Sur la mer de EastBlue

par **Danpachi** Mer 15 Sep - 0:14

Ses yeux étaient clos, mais son regard était rivé sur lui-même. A l’intérieur de lui-même. Son esprit était fermé sur son environnement, mais ouvert sur son corps. Ses poings étaient fermés, mais il sentait chaque parcelle de son énergie parcourir le bout de ses doigts. Comme les autoroutes de son corps, comme les voies de sa force, son énergie interne circulait à travers son corps, comme en chaque être vivant.
Sauf que contrairement à la majorité de ses semblables, Danpachi sentait parfaitement ce flux bienfaiteur et ininterrompu.
Le chasseur de primes était assis en tailleur, ses cheveux bruns lâchés aux quatre vents. Immobile depuis plus de deux heures, son esprit fonctionnait pourtant à grande vitesse, car il était en plein milieu d’un entraînement. Un entraînement où il apprenait à maîtriser son énergie interne. Et les résultats n’étaient pas si mauvais, car jusqu’à présent, il était parvenu à dompter ce flux pour s’en servir en combat.

Lentement, il étendit ses perceptions. Il ne se concentra pas plus longtemps sur son corps, mais sur son environnement, sur chaque chose qui l’entourait.
Dans son dos, il sentit parfaitement la petite Marcia qui s’affairait à ses propres projets. L’enfant –ou plutôt l’adolescente- ne cessait de tourner sur la petite embarcation du Chasseur de pirates, manifestement à la recherche de quelque chose. Danpachi sentit sa respiration aussi clairement qu’il sentait chaque vague qui venait percuter son bateau, aussi clairement qu’il sentait chaque battement d’aile de la mouette qui les suivait depuis quelques minutes déjà.
Puis il mit fin à son entraînement. Il ouvrit doucement les yeux, prenant le temps de s’habituer à nouveau à cette lumière qui ne cessait de les entourer. Un regard lui suffit à constater qu’il aurait du garder sa chemise, car sa peau commençait à afficher une teinte rouge des plus désagréables. Marcia ne put s’empêcher de faire la remarque :
-Vous avez l’air d’une écrevisse. C’est pas très classe.
Poussant un long soupir, Danpachi se releva et vint poser ses mains sur le bastingage, plongeant le regard dans la mer qui les entourait. Il ne prit pas la peine de répondre à la petite et alla rapidement dans la cabine arrière, où il vérifia leur cap avec soin avant de porter un centième regard sur la carte où la gamine avait posé les coordonnées du QG de la Marine. D’ailleurs, sa petite voix fluette retentit à nouveau alors qu’elle voyait son manège :
-Je vous ai dis que je pouvais m’occuper de la navigation, protesta-t-elle. C’est moi qui vous emmène !
Danpachi s’abstint de répondre, se demandant encore une fois comment une fille si jeune pouvait maîtriser aussi bien la navigation. Marcia le suivit à l’intérieur de la cabine pour lui lancer un regard furibond.
-Vous parliez plus hier !
-J'avais des choses à dire, hier, répondit le Chasseur d’un air détaché. Par contre il m’arrive aussi de jeter les enfants pas sages par dessus-bord.
-Vous n’oseriez pas ! Nous avions un accord !
Malgré la force de sa voix, Marcia n’était visiblement pas rassurée car elle ne put s’empêcher de faire un pas en arrière. Se prenant au jeu, le vieux chasseur s’avança vers elle et lui adressa un sourire désarmant, entre la menace cachée et l’assurance tranquille.
-Ah bon ? Et qu’est-ce qui m’en empêche ? Maintenant que j’ai mes coordonnées et que nous sommes en mer, personne ne te verra… tomber… de mon bateau.
Marcia se recula peu à peu alors que le vieux Danpachi s’approchait d’elle sans se départir de son grand sourire. Elle recula suffisamment pour se retrouver coincée contre le bastingage, par dessus lequel elle lança un regard affolé.
De son côté, le chasseur s’amusait comme un fou. Pour une fois qu’il prenait enfin à défaut cette adolescente, il ne pouvait s’empêcher d’apprécier le moment. Il l’attrapa finalement pas le bras et la repoussa au centre du bateau, où elle se redressa encore de toute sa (petite) hauteur, comme un nouveau défi.
-Bon gamine, maintenant tu vas me dire qui tu es, ou tu passes par dessus bord…

par **Danpachi** Mer 15 Sep - 18:36

Elle n’avait aucun endroit où fuir…
Danpachi se tenait toujours aussi droit, Marcia juste devant lui, ses grands yeux trahissant une peur grandissante. L’adolescente ne pouvait plus reculer, elle n’avait plus d’endroit où se cacher, plus d’endroit où fuir. Le sourire freedent ultra-bright de son compagnon de voyage laissait transparaître une forme de démence, comme si quelque chose d’étrange se cachait au fond de l’intellect perturbé de ce vieux baroudeur.
Elle n’avait aucun endroit où fuir…
A petits pas, elle se déporta un peu sur le côté, essayant une nouvelle fois de chercher une porte de sortie, un moyen d’échapper à ce psychopathe en puissance. Elle posa les yeux sur le baril qui traînait au fond de leur embarcation. Suffirait-il à la maintenir à flots assez longtemps pour qu’elle croise un bateau ? Et si elle en croisait un, plutôt par miracle que par logique, serait-il rempli de pirates plus sanguinaires encore que ce Danpachi ?
Son front se couvrit lentement d’une légère couche de sueur.
Elle n’avait plus aucun endroit où fuir…
Elle sentit les larges mains du Chasseur se poser sur ses épaules, se rapprocher lentement de son cou. Elle voyait son visage marqué par les aventures se rapprocher du sien, son regard d’acier ne trahissant aucune émotion. Elle put sentir son souffle chaud se répercuter sur son front, comme le signal que sa jeune vie prenait définitivement fin. Alors, elle s’abandonna, ses jambes la trahirent. Elle se laissa choir sur les genoux, priant silencieusement pour que sa fin soit rapide et douloureuse, espérant secrètement que ce chasseur n’était rien de plus qu’un tueur. Oui, un Tueur, rien de plus. Pas de violeur...
Elle n’avait plus aucun endroit où fuir quand une voix calme et mesurée la sortit de sa torpeur.
-Euuuuh… Petite ? Marcia, ça va ? Hey ?

Danpachi secoua légèrement Marcia, les mains posées sur ses épaules pour la maintenir debout. Le changement avait été rapide. D’abord le front de la gamine avait rougi, puis ses joues. Enfin, elle avait commencé à transpirer, puis ses jambes flagellèrent. Elle avait failli tomber, mais le chasseur la maintenait déjà fermement par les épaules.
Lentement, avec délicatesse, Danpachi prit l’adolescente dans ses bras et l’allongea dans un coin de son bateau –ou plutôt sa grosse barque-. Il lui passa la main sur le front pour prendre sa température, puis il mouilla un chiffon dans de l’eau froide, qu’il lui appliqua avec soin. Enfin, il essaya de la faire boire, mais il ne parvint qu’à la faire étouffer. Sans plus d’indications, il ne pouvait qu’attendre que la crise passe, incapable de faire beaucoup mieux qu’espérer que ce ne soit que momentanné.
Il se leva alors et retourna une nouvelle fois vérifier le cap, avant de revenir s’asseoir juste à côté de sa compagne de voyage. Il mouilla à nouveau le chiffon et le lui remit sur le front, vérifiant au passage si son pouls n’était pas trop rapide.
Danpachi était un homme expérimenté, et il avait déjà connu le malheur. Il savait bien qu’il s’inquiétait sûrement un peu trop pour cette gamine dans la force de l’âge, mais trop d’enfants étaient déjà morts dans ses bras. Il n’en laisserait pas un de plus suivre les autres.

Les temps passa, lentement. Une terre se manifesta à l’horizon, et Danpachi comprit rapidement que sa destination était atteinte. Marcia ouvrit les paupières pour la première fois depuis une longue journée. Son premier réflexe fut d’afficher une mine affolée avant de lire l’expression sur le visage du chasseur.
De l’inquiétude.
Elle comprit alors qu’elle avait fait une autre de ses crises. Une de plus. Elle se releva lentement, sachant que le Chasseur ne détournait pas son regard. Elle lui adressa alors un sourire encourageant, ce qui sembla le soulager.
-J’ai cru que vous alliez me tuer, murmura-t-elle.
-C’était une plaisanterie. Qu’est-ce qui t’est arrivé, petite ?
-Une crise. Ce n’est pas la première. J’ai besoin de repos.
-On arrive au poste de la Marine. Je vais te laisser là bas et après je…
-NON !
Marcia se releva d’un coup, laissant tomber le chiffon qu’elle tenait dans ses mains. Elle avança de deux pas, puis défaillit à nouveau et tomba à genoux. Seuls les réflexes affûtés de Danpachi, qui la rattrapa à nouveau, lui évitèrent de se taper le crâne contre le bastingage. Lentement, il l’allongea de nouveau et l’exhorta à se calmer. S’agiter ainsi ne lui ferait pas du bien.
-Ca va gamine, reste calme. Tu vas rester sur le bateau pendant que j’irai voir la Marine…
Marcia acquiesca d’un signe de tête, sans rien dire. Danpachi se releva à son tour, puis se tourna vers l’île qui grossissait lentement. Plus il en apprenait sur cette enfant, moins il lui semblait la connaître. Encore une belle paire d’ennuis en perspective…

par **Danpachi** Mer 13 Oct - 16:18

[Retour du QG]

Une bonne grosse rasade de whisky. C’est tout ce dont Danpachi avait besoin pour se sentir bien après cette brève aventure dans le QG de la Marine.
Oh bien sûr c’était un whisky de mauvaise qualité, un de ces breuvages qui masquaient leur manque de goût par une force malvenue pour un produit normalement aussi fin. Mais le vieux chasseur ne se comportait plus depuis longtemps comme un amateur éclairé. C’était seulement un pauvre alcoolique devenu dépendant de sa rasade quotidienne. Et c’était une sacrée rasade. Allongé sur le dos la proue de sa minuscule embarcation, Danpachi profitait du soleil, de la mer, de la vie et de l’alcool. En somme, une vie idéale.
Peu à pu son regard se fit de plus en plus flou, et le bateau sembla tanguer encore plus. Se relevant d’un pas mal assuré, le chasseur alla vers la cabine de proue et se mit devant la barre, la prenant d’une main ferme tandis que l’autre enserrait sa bouteille avec une rare puissance. Tirant une nouvelle gorgée de son breuvage doré, le chasseur se mit à beugler des ordres à l’attention de sa jeune invitée, qui se tenait juste derrière lui, parfaitement droite :
-Allez gamine, on essuie z’un grain ! Tin’toi ben p’tite, des comm’ça j’en ai pas d’ja vus !
-La mer est parfaitement calme. C’est vous qui tanguez.
-C’est moi l’pro ! Moi, moi et moi ! Alors accroche-toi sinon… sinon… si…noooooonnn…
Le noir entoura le champ de vision du chasseur de primes. Il lâcha la barre et sentit un choc, comme si quelque chose le percutait à grande vitesse. Puis il eut juste le temps de sentir les mains douces de Marcia l’allonger avec tendresse avant de s’endormir comme une masse…

Les rayons du soleil qui percèrent à travers ses paupières lui firent mal aux yeux quand il se releva. Les ombres s’étaient allongées, manifestement, il avait dormi quelques heures. Trois, peut-être quatre. Il se releva tant bien que mal et s’accrocha au bastingage, essayant tant bien que mal de rester debout malgré sa tête qui semblait vouloir exploser.
Danpachi poussa un grognement. Encore une journée passée à se soûler. Il sentit Marcia s’approcher dans son dos plus qu’il ne l’entendit, mais il lui fallut le doux son de sa petite voix pour le tirer de son marasme :
-Vous êtes alcoolique, dit-elle t’on ton accusateur.
-Ouais.
-Je n’aurai pas cru ça en vous voyant la première fois.
Danpachi se rassit dos au bastingage, le visage protégé par l’ombre de leur petite voile.
-Personne ne croît ça la première fois, gamine. On a tous nos démons. Toi compris, même si tu ne veux pas m’en parler.
-Mes démons ne me poussent pas à me soûler jusqu’à en tomber dans le coma, vieil homme. Parlez-moi des vôtres.
Le vieux chasseur adressa un regard en coin à sa jeune compagne de route. Elle affichait un air grave. Un peu trop grave pour une enfant d’à peine 14 ou 16 ans. Plus la situation avançait, plus il se posait de questions. Mais sans trop savoir pourquoi, il répondit à la jeune Marcia :
-J’avais un fils, gamine. A l’époque je l’ai formé comme chasseur de primes et je l’ai emmené avec moi. Il a été tué alors qu’il était à peine plus vieux que toi.
-Il n’aimerait pas vous voir dans cet état.
-Et t’es qui pour savoir ce qu’il aimerait ?
Danpachi avait craché ces mots avec tout le mépris dont il était capable dans son état, mais Marcia ne sembla même pas y penser. Elle continuait de lui lancer son regard accusateur.
-J’ai aussi un père, et je n’aimerai pas le voir comme vous.
-Bah ! Qu’est-ce que tu sais de moi, hein ?
-J’en sais suffisamment pour savoir que vous ne devriez pas boire.
-Regarde-moi gamine, répondit Danpachi d'un air résigné. J’ai 44 ans et tout ce que je sais faire, c’est tuer. Ma famille m’a sans doute oublié, mon fils est mort depuis longtemps et mes amis ont disparu. Tout ce qui me reste, ce sont les millions de Berry de mon compte en banque et une gamine collante !
-Des millions de Berry ? Vous êtes si riche que ça ?
Danpachi afficha un air cynique, comme s'il savait que ses propres paroles allaient le dégoûter.
-Bien sûr. Qu’est-ce que tu crois ? J’ai été bon dans le temps. Mon compte a au moins cinq zéros. Et la famille où je suis né en possède sans doute cent fois plus que moi. Ha ! Riche à millions, et pourtant je me ballade avec à peine assez d’argent pour une bouteille de bon whisky ou une putain de qualité. Et si je veux les deux, ça sera juste un truc imbuvable et une vieille crade !
Marcia afficha un air étonné. Elle n’avait jamais pensé que Danpachi puisse disposer d’autant d’argent. Bien au contraire, il donnait plutôt l’impression d’être relativement pauvre pour un ancien chasseur de primes à succès. Cette information lui paraissait étrange, elle ne comprenait pas.
-Si vous êtes si riche… commença l’enfant.
-Je me fous de l’argent, l’interrompit le chasseur. Sérieusement, tu m’imagines, moi, dans un grand palais de marbre blanc avec des serviteurs pour m’essuyer le cul après un passage aux toilettes ? Moi qui serais capable de te tuer ici et maintenant de 50 façons différentes ?
Malgré ces paroles quelque peu étranges, Danpachi ne manifestait pas du tout la volonté de faire ce dont il parlait. Mais l’idée qu’il en était capable lui fit afficher un rictus moqueur. Il se moquait de lui-même et de sa propre condition. Il se moquait de son existence. Poussant un grognement rauque, il se leva et alla chercher une gourde d'eau fraiche dont il tira plusieurs longues gorgées. La sensation le rafraîchit agréablement et lui ôta toute envie de continuer cette conversation désagréable. Mais il reprit tout de même :
-Tu te rends compte ? Une vie passée à se battre et à protéger les innoçents pour en arriver à être dépendant de l’alcool et de l’adrénaline. Et le pire, c’est que je crèverai comme j’ai vécu : tué par un Pirate. Je me noierai dans mon propre sang et je n’aurai jamais de sépulture décente… il baissa le ton. Et puis c’est pas comme si quelqu’un allait pleurer sur ma tombe…
-Vous êtes injuste envers vous-même. Il n’est pas trop tard. Vous êtes un bel homme, vous pouvez vous trouver une femme…
-… et quelle femme voudrait de moi, gamine ? Je ne suis qu’un pauvre vieux gars tordu en deux par ses combats. Ma hanche me fait souffrir le martyr, l’entaille de mon épaule me réveille la nuit et mes chevilles enflent quand je me bats trop longtemps. Quand j’avais vingt ans, toutes les jeunes filles me tombaient dans les bras. A trente ans, avec un simple sourire je pouvais avoir pour moi toutes les femmes que je voulais, vieilles ou jeunes, riches ou pauvres. Et maintenant, à presque quarante-cinq ans ? Mon seul sourire ne suffit plus : les femmes veulent plus que ça. Quitte à payer pour une femme, j’aime autant les relations tarifées. Au moins les putains sont des professionnelles et ne me posent pas de questions !
Danpachi se tu sur ces mots et laissa son regard se porter vers la mer. Il se laissa quelques secondes pour digérer la conversations, puis poussa un « bah ! » retentissant qui en signifiait la fin. Sans un regard pour sa jeune compagne, il se leva et alla se coucher dans la petite cabine arrière, où il s’endormit immédiatement.
De son côté, Marcia le regarda faire sans rien ajouter. Quand elle l’avait vu pour la première fois, elle pensait avoir affaire à un vrai Gentleman. Son sourire avenant, son costume soigné, son port altier… tout ça l’avait trompée en lui faisant croire qu’il pourrait la sortir de sa situation.
Pourtant, malgré son erreur, la jeune fille se prenait à apprécier cet homme brisé. Certes, il était loin d’être aussi parfait que dans ses ambitions. Mais elle ne pouvait s’empêcher de le trouver humain et attachant. A vrai dire, même si une occasion de le quitter se présentait, elle finit par se dire qu’elle resterait avec lui. Lui au moins ne la regardait pas de haut, il ne la battait pas et ne voudrait pas la vendre comme esclave. Et il se montrait un compagnon agréable et attentionné –quoique parfois inquiétant- lorsqu’il ne buvait pas.

Un sourire aux lèvres, Marcia se leva à son tour et vérifia leur cap grâce au soleil qui se couchait à l’est du bateau. La direction était bonne, la mer était calme, leur bateau solide. L’aventure ne semblait pas vouloir s’arrêter pour elle et Danpachi.
La jeune fille s’étonna elle-même quand elle s’aperçut qu’elle avait de l’espoir.

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