Un trésor sinon rien !

La nuit est tombée sur la petite île de Baterilla perdue dans la grande mer de South Blue. A cette heure tardive de la nuit, la Lune éclaire une plaine morne et désolée, toute vie semble l'avoir quitté avec les rayons du soleil et maintenant tous dorment paisiblement. Tous ? Non... Une petite tache de couleur rouge et verte se voyait distinctement à la clarté de la Lune, elle avançait le long de la route partant de la Crique et allant jusqu'au Village. Le menton presque contre le buste, William Morgan tachait de décrypter la carte qu'il avait lui même réalisé à la clarté de la lampe. La besogne était ardue mais il y arriverait !

Lentement, très lentement, William tourna la tête pour voir derrière lui, posé sur son séant, le plus gros saint Bernard qu'il lui avait été donné de voir de son existence. C'était un chien littéralement monstrueux, si une bestiole pareille s'approchait de lui, il risquait de mourir ! L'animal restait placide, la langue pendante et la bave aux lèvres. Il semblait considérer le Rouge d'un air absent, même le chien était interloqué par la tenue de notre tout nouveau pirate, alors il observait...

Mais les décisions se prennent vite dans la tête d'un chien. Se redressant soudain, il aboya encore une fois et bien plus fort que la fois précédente. S'il continuait à ce rythme il allait réveiller tout le village.

Et voilà notre grand pirate qui commence fort bien son opération "Récupération du Trésor", le voilà qui part en courant devant un gros chien qui le poursuit tout en aboyant après lui. Qu'est ce qu'il pouvait bien lui vouloir ce chien après tout hein ?

Il avait beau entendre sa propre voix, il était désormais perdu dans la forêt... Un coup d'œil sur la carte... Bien évidemment ça ne l'aidait pas, il avait juste indiquer le trajet, pas "comment se sortir des bois".

De rage, William envoya un grand coup de pied dans sa lampe qu'il avait posé là. Son coup de pied devait être particulièrement puissant car il avait fracassé la-dites lampe sur le coup, se retrouvant ainsi dans un noir quasi total, il n'était plus éclairé que par la clarté de la lune et des étoiles.
Un instant... Où était passé la lune et les étoiles ? C'était quoi ce ciel totalement couvert ?

La réponse lui vint du ciel, un éclair tomba à quelques centaines de mètres de lui, illuminant les environs pendant un cours instant. Il allait avoir droit à un orage de première qualité ! Et dire qu'il se retrouvait à faire face à ça, seul, perdu au milieu des bois et sans lampe !

Pourquoi est ce que ça s'est passé comme ça !!!

Une arrivée sans fanfare.

Du sang... Il voulait du sang... Il en avait besoin, ça devenait insupportable... S'il ne tranchait pas une gorge au plus vite il allait tomber en syncope... N'importe qui d'autre que lui aurait sans doute déjà craquer suite à un tel enchainement de calamités mais William Morgan n'était pas homme à renoncer si facilement, il préférait largement fixer toute sa rage et son amertume sur un plaisir futur. En l'occurrence, trancher une gorge... Ah... S'il pouvait voir jaillir un magnifique flot de sang... Un sang d'un rouge si beau, si pur... Serait ce trop demander que de trouver une jeune vierge de 14 printemps en pleine nuit sous un orage tropical hein ? Il fallait croire que oui, car depuis maintenant trois bonnes heures, Red Will ou plutôt William le Détrempé, errait seul sous la pluie, perdu dans les bois.

Il n'avait désormais plus bien fière allure le grand récupérateur de trésor. De nombreuses fois il était tombé et son manteau en portait encore les traces, coupures par-ci, écorchures par là, trou au niveau du genou, terre et boue un peu partout sur le corps. Il ressemblait plus à une sorte de clochard sorti tout droit d'une comédie à la Oliver Twist qu'à un grand et fier pirate en devenir. Et ce n'était pas près de s'arranger car l'orage ne cessait pas... Il devait à tout prix trouver un abri s'il ne voulait pas que sa carrière de Pirate finisse avant même d'avoir commencé.

A cet instant, le ciel lui même sembla entendre les pensées de William. Les cieux s'écartèrent et à travers les sombres nuages la clarté de la Lune parut à nouveau. Elle semblait marquer de son halo de lumière pure la direction que le pirate devait prendre. Qu'indiquait elle précisément ? Un village ! Un charmant petit village éclairé dans la nuit. Et qui dit village dit maison, qui dit maison dit toit, et qui dit toit dit feu ! En clair, la longue nuit d'errance et de souffrance de William Morgan touchait à sa fin.

Mu par une volonté nouvelle, une volonté encore plus forte que l'instinct de survie, le Détrempé courut en direction des maisons qu'il voyait se rapprocher à chaque enjambée. Encore cent mètres et il y serait, plus que 50... 20... 10... Enfin il y était arrivéééééééé.

Le dernier obstacle l'attendait, une racine d'arbre plus épaisse que les autres et sortie de nulle part venait de lui faire un croc en jambe magistral ! Le vol plané qui suivit fut lui aussi magnifique et William finit donc les derniers mètres le séparant de l'Auberge en planant tel un albatros blessé. Il termina sa course tête la première contre le bas de la porte de l'établissement, faisant trembler celui-ci sur ses fondations et s'adjugeant par la même un sévère mal de crâne qui ne partirait pas de si tôt.

Son arrivée remarquée eut le mérite de faire s'allumer la lumière à la fenêtre au dessus de la porte. Quelques instants après, ce fut un visage féminin passablement défraichi qui se présenta par l'embrasure.

Elle baissa les yeux et vit le grand pirate vautrée dans une mare de boue au pied de sa porte et visiblement pas en état de danser la gigue. Il n'avait même plus l'air d'être conscient. En réalisant qu'elle avait un malheureux sans abri étendu de tout son long devant chez elle, la bonne matrone poussa un cri horrifié puis disparut de la fenêtre. Quelques instants plus tard, elle était dehors, sous la pluie, avec son époux pour trainer le malheureux à l'intérieur.

C'est dans une semi-inconscience et comme dans un rêve, un peu glauque, que William fit son entrée triomphante dans l'Auberge du village. Une fois installé bien au chaud sur une bonne paillasse auprès du feu, il était le plus heureux des hommes et il ne lui fallut guère de temps pour rejoindre les bras de Morphée et le pays des songes où des rêves de pièces d'or par millier et du fameux One Piece l'attendait.